A LA CENTRALE DE CAEN

Le lendemain, il est transféré à la Centrale de Beaulieu, près de Caen. C'est le bagne. Lucien Sampaix, comme il l'a fait partout lutte pour le respect dû à des détenus politiques exige que les politiques puissent être ensemble, obtient qu'ils soient autorisés à rester ensemble quelques heures chaque jour et faire de la lecture à haute voix, obtient par sa calme fermeté l'autorisation de partager entre les politiques les colis et l'argent reçus. L'ouvrier des Ardennes luttera jusqu'à sa dernière heure pour la dignité. Il force le respect du directeur et du personnel de la Centrale.
Le 15 décembre 1941, à 6 heures du matin, il est prévenu ainsi que onze autres patriotes qu'ils seront fusillés dans la matinée.


" SANS HAINE, MAIS AVEC VOLONTE, AVEC INTELLIGENCE"

La dernière lettre :
" Mes chers petits enfants.
" Votre papa vous aura quittés trop vite, plus vite qu'il ne voudrait. Soyez sages envers votre maman, sages et courageux. Pierre, Jacques, mes braves petits, travaillez bien à l'école ! Il faut apprendre encore et toujours pour aller vers la vie meilleure qui vous attend et que je ne verrai pas. - Votre papa est tombé comme un soldat dans la lutte, et la lutte n'est pas finie. Souvenez-vous toujours ! Sans haine, mais avec volonté, avec intelligence. Et surtout entourez maman Yvonne de toute votre tendresse, qui doit remplacer mon affection disparue. "

Les douze camarades sont transférés à la caserne Claude de Caen, de l'autre côté de la ville. Ils chantent à pleins poumons la Marseillaise et l'internationale, jusqu'à 10 heures, heure de leur exécution.
Lucien Sampaix tombe, la tête haute, à la même heure où son ami Gabriel Péri est fusillé au Mont Valérien.

L'ADIEU DU COMITE CENTRAL

Une petite brochure clandestine circule peu de temps après, malgré la terreur hitlérienne dans toute la France.
Le titre :

Les Morts accusent
Lucien Sampaix et Gabriel Péri
fusillés par ordre de von Stülpnagel
le 15 décembre 1941
font le procès des bandits hitlériens
Editions du Parti communiste français.
" Le Comité Central du Parti communiste s'incline devant les tombes de Gabriel Péri, de Lucien Sampaix et de tous les martyrs de la libération nationale...
" Il adresse ses condoléances à la famille de Lucien Sampaix, à sa femme et à ses trois enfants à qui il laisse pour tout héritage un nom de héros.
" Adieu GABRIEL ! Adieu LUCIEN ! Votre souvenir vivra dans le cœur des communistes, dans les cœurs de tous les patriotes. Quand là-bas, en Union Soviétique, les soldats de l'Armée Rouge abattent des barbares nazis, c'est le commencement du châtiment de vos bourreaux. Demain ce sera encore mieux. Le peuple de France vous vengera en se libérant.
" OUVRIERS FRANCAIS, sabotez, sabotez par tous les moyens, les fabrications de guerre destinées aux assassins de Gabriel Péri et de Lucien Sampaix.
" PAYSANS FRANCAIS, mettez tout en œuvre pour ne pas donner votre récolte aux assassins de Gabriel Péri et de Lucien Sampaix...
" Gabriel Péri, Lucien Sampaix et vous tous qui êtes tombés pour l'indépendance de la Patrie, vous serez vengés.
" La cause pour laquelle vous êtes morts triomphera.
" Camarades, frères disparus, adieu !
" NOUS CONTINUERONS VOTRE COMBAT. LA VICTOIRE SERA A NOUS. "

Le Comité Central
du Parti communiste français (S.F.I.C.)