A L'HUMANITE


Au deuxième étage, trois bureaux de la rédaction : deux petits, la rubrique "Vie ouvrière" et la rubrique de politique étrangère dirigée par Gabriel Péri ; le troisième, plus grand, abritait les rubriques de l'information générale et de la vie politique.



C'est là que Lucien Sampaix, comme rédacteur de l'information politique, apprenait le travail d'un quotidien, travail bien différent de son hebdomadaire de Reims. A côté de lui, Louis Aragon s'occupait des "chiens écrasés", c'est-à-dire de l'information générale.



Si la maison était sombre et inconfortable, l'atmosphère de travail était extraordinaire de chaleur et de lumière. La collaboration fraternelle et amicale de l'ensemble de l'équipe du journal y était pour beaucoup. Et surtout l'aide attentive, la direction merveilleuse de notre cher camarade Marcel Cachin et de notre fougueux rédacteur en chef, Paul Vaillant-Couturier, l'âme du journal, donnaient confiance et ardeur à tous.



C'est dans ce climat d'enthousiasme et d'esprit de travail collectif que Lucien Sampaix développait de plus en plus son talent de journaliste communiste.




LE DANGER FASCISTE


Il est très préoccupé du danger fasciste


Le soir du 6 février 1934, il entra, le visage blanc, dans le bureau de la rubrique internationale : "Je viens de la Place de la Concorde. Maintenant j'ai vu ce qu'est le fascisme."



Il savait bien ce qu'était le fascisme, il avait entendu dans les Ardennes les récits des réfugiés antifascistes italiens. Il avait participé avec passion à la campagne menée en France pour dénoncer la monstrueuse provocation anticommuniste que fut l'incendie du Reichstag par les nazis, campagne qui a contribué à l'acquittement de Dimitrov.



Mais ce soir, Place de la Concorde, il avait vu la bestialité déchainée, la fureur des destructions des éléments influencés par les "Croix de Feu", les "Camelots du Roi", et autres ligues fascistes.



Il vit intensement la riposte ouvrière du 9 février 1934, et la grève générale du 12, le Pacte d'unité d'action Socialiste-Communiste de juillet 1934, la réunification syndicale et la constitution du Front Populaire et de ses conquêtes.



L'ardeur au travail, l'intelligence, le sérieux, la probité de Lucien Sampaix le font désigner en juillet 1936 comme secrétaire général de L'Humanité. Il "monte" au troisième étage et est responsable, sous la direction de Marcel Cachin et de Vaillant, du travail de l'ensemble de la rédaction, de la préparation de chaque numéro, de la mise en page à l'imprimerie et de la "tombée" à la minute précise.



C'est une besogne épuisante, qui finit rarement avant 2 heures du matin. Lucien s'en acquitte avec sa conscience et son enthousiasme de toujours.



En plus de son travail au journal, il arrive à trouver le temps de militer activement dans le Xème arrondissement de Paris, Journaliste de grand talent, il est aussi un excellent orateur. Plusieurs fois candidat dans le Xème, il fait acclamer par des milliers de travailleurs enthousiastes la politique du Parti et est artisan de la défaite du colonel Fabry, député réactionnaire de cette circonscription.



Cette activité débordante, le travail accablant de secrétaire général de l'Humanité ne lui font pas abandonner la campagne engagée en 1934 contre les ligues fascistes. Il lit, observe, enquête, vérifie et jour par jour montre, par des faits précis, le danger que courent la France et la paix et il appelle à l'union contre la peste fasciste.



l'Humanité du 20 octobre 1937, résume ainsi la campagne déjà menée:


" En vérité, les ligues n'ont pas désarmé, pas plus qu'elles n'ont été désarmées.
" Depuis leur échec du 6 février 1934, les chefs fascistes n'ont cessé de préparer leur revanche.
" Pendant trois ans, ils ont accumulé les moyens d'action les plus meurtriers.
" Et c'est par tonnes qu'est entré et entre encore en France le matériel de guerre destiné aux ligues fascistes, ainsi que l'a montré hier la vigilance d'un employé de l'octroi de Lille.
" Aujourd'hui on lève un coin du voile qui recouvrait cette préparation de guerre civile. C'est tout le voile qu'il faut arracher.
" On recherche d'où proviennent ces armes ? Mais leurs marques de fabrique, italiennes et hitlériennes, ne sont-elles pas la preuve que la conjuration était fomentée et armée par Hitler et Mussolini ?
" On demande d'où vient l'argent qui a servi à financer cette organisation ? Alors, que l'on se tourne vers les services de la Gestapo, de l'O.V.R.A. et aussi vers les trusts français.
" ...Jusqu'ici on n'a arrêté que des comparses. Il faut maintenant frapper haut et ferme... "

Inlassablement, jusqu'à l'été de 1939, Lucien Sampaix poursuit la campagne contre la cinquième colonne. Il prouve l'étendue du complot des cagoulards et la liaison étroite des fascistes " français " avec la Gestapo, les complicités qu'ils trouvent dans la presse des trusts, chez certains officiers supérieurs, dans la haute administration et jusque dans les cabinets ministériels. Il montre les relations directes des traîtres Doriot et Barbé avec le général hitlérien Stuelpnagel et les dirigeants de la Gestapo



Dans tous les articles, l'appel est lancé à l'union du peuple français et à l'unité d'action pour la sauvegarde de la République et de la paix.