LA DEPOSITION DE GABRIEL PERI


Gabriel Péri, vice-président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés, déclare :

" Je me permettrai, très simplement, d'affirmer ma solidarité avec Lucien Sampaix, dont je m'honore d'être le collaborateur et l'ami.

" Qu'il soit bien entendu que la campagne de Lucien Sampaix est la campagne collective de l'Humanité. "

" Il me semble que tous les Français, sans distinction d'opinion, devraient être inquiets lorsqu'ils ont lu, dans les journaux, que les poursuites intentées à Lucien Sampaix avaient été, par pure coïncidence, précédées d'une visite du comte Welczek, ambassadeur d'Allemagne, auprès du président du Conseil, que le jour même où Lucien Sampaix recevait son assignation, M. Otto Abetz, par le truchement d'un journal français, sommait en quelque sorte les tribunaux français d'avoir à châtier ceux qui l'avaient dénoncé...

" Ce qui nous inquiète, c'est que M. Tixier-Vignancourt, parlant dans une réunion publique, a pu se vanter de l'incident suivant et le relater en ces termes : " Je suis allé voir M. Georges Bonnet avec le numéro de l'Humanité à la main, et j'ai la bonne fortune de vous annoncer que, sur la demande du ministre, l'Humanité sera poursuivie et que son rédacteur comparaîtra devant une Chambre correctionnelle...

" Eh bien, Messieurs, s'il en est ainsi, nous aurions aimé que les choses se fassent plus franchement, à la française, et non à la munichoise. Car, enfin, l'article incriminé ne vise pas le ministre en question. Le ministre en question a été visé par d'autres articles.

" Pourquoi n'a-t-on pas poursuivi ces articles-là ?

" Que penser de cette méthode qui consiste à pénaliser un article pour nous punir d'en avoir écrit d'autres ? Que craignait-on ? Quels témoignages et quelles questions a-t-on voulu éviter ?

" La pensée commune que nous avions exprimée, que Sampaix avait exprimée en notre nom, s'énonce ainsi : " Avec certain ministre dans le gouvernement, il est impossible d'aller à la chasse aux espions ! "


UNE VICTOIRE POLITIQUE : L'ACQUIITEMENT

Après les témoignages d'Aragon, directeur de Ce Soir, de G. Cudenet, pour la Ligue des Droits de l'homme, de J. - M. Herrmann, Maurice Harmel, c'est Lucien Bossoutrot, le célèbre aviateur, député radical, président de la Commission de l'aéronautique de la Chambre, qui déclare connaître Lucien Sampaix comme adversaire politique, " un adversaire ardent, mais, toujours, je dois le dire, extrêmement loyal "... " Pour l'affaire qui l'intéresse, je crois que mon devoir de Français est de le féliciter des attaques qu'il a portées contre les adversaires et les ennemis de la France, aussi bien ceux de l'intérieur et ceux de l'extérieur".

Les marques d'estime prodiguées par des patriotes même adversaires politiques, l'attention soutenue avec laquelle l'opinion avait suivi les campagnes de l'Humanité et le procès, ont abouti à l'acquittement de Lucien Sampaix.

Cette victoire politique a eu un grand retentissement dans le pays, faisant connaître la justesse de la campagne menée par Gabriel Péri et Lucien Sampaix au nom de leur Parti, pour la paix, contre la trahison.

Elle n'a pu freiner la course à l'abîme.

Le 26 août 1939, l'Humanité est saisie et interdite.

Le 1er septembre, Hitler attaque la Pologne.

Le 3 septembre commence la deuxième guerre mondiale.

Le 26 septembre, le gouvernement décide par décret la dissolution du Parti communiste.