L'HUMANITE CLANDESTINE


C'est la " drôle de guerre ", Lucien reçoit une affectation militaire pour une grande usine à Levallois. Nous le voyons encore quand il mime l'accueil que lui avait fait le directeur de cette entreprise : " Je ne veux pas de Lucien Sampaix ici, partez tout de suite ! " Et il levait les bras : " Il ne manquait plus que cela, vous dans un atelier ! " - " Mais je tiens à être en règle avec l'autorité militaire qui m'affecte ici ". Pour se débarrasser de Sampaix, le directeur lui fait un papier qui le couvre vis-à-vis des autorités militaires.

C'est autant de temps gagné pour le travail du Parti, pour la préparation de l'Humanité clandestine ! Tâche à laquelle Lucien s'attaque aussitôt. Seize numéros de l'Humanité clandestine paraissent déjà avant la fin de l'année 1939, passent de main en main, et montrent comment le gouvernement des trusts mène la guerre non pas contre l'Allemagne hitlérienne, mais contre les communistes et le peuple français.


LA LUTTE DANS LES CAMPS


Le 19 décembre, Lucien Sampaix est pris dans la rafle qui réunit au stade Roland Garros des centaines de militants.

Au début de janvier 1940, Lucien se retrouve avec de nombreux camarades, dont Henri Neveu, conseiller général de la Seine, Raymond Barbet, maire de Nanterre, Emmanuel Fleury, conseiller municipal de Paris, à Saint-Benoît, près de Rambouillet, dans une bergerie désaffectée parce que " trop insalubre pour les moutons. Ils sont revêtus d'uniformes bleu horizon. Dans ce " camp surveillé ", Lucien est parmi les camarades qui organisent des cours, des loisirs, exigent et obtiennent d'être séparés des droits communs.

En mars 1940 commence pour Lucien la ronde des camps Bourg-Lastic dans le Puy De- Dôme ; Villard dans les Hautes-Alpes où nos camarades sont constitués en " Compagnies spéciales de travailleurs français indésirables ", appellation conservée par la suite dans tous les camps ; le camp des " Demoiselles ", toujours dans les Hautes-Alpes, où les internés doivent piocher dans le rocher sans jamais recevoir ni courrier ni journaux.

Au début de juillet, ils sont transférés à la Chartreuse de Prémol dans l'Isère où le mécontentement grandit bientôt : l'armistice est signé depuis le 22 juin, les délégations successives pour demander la démobilisation restent sans résultat.


"JE NE TIRE PAS SUR LES FRANÇAIS"


Une journée de protestation est organisée le 1er août : grève de la faim et grève du travail. Aucune défaillance parmi les 900 internés. Rassemblés sous un soleil de plomb, dans une clairière proche du camp, entourés de gardes mobiles et de jeunes soldats, les camarades sont invités à enterrer les marmites de nourriture qu'on apporte. Pour éviter toute provocation, c'est fait.

Dans le but d'impressionner les grévistes et d'obtenir la reddition, les officiers font creuser par les soldats une grande fosse. Comme la chaleur est infernale, quelques camarades vont boire dans un ruisseau proche. Ordre est donné aux jeunes soldats de tirer sur quiconque essaie de retourner au ruisseau. Un soldat jette son fusil à terre : " Je suis prêt à tirer sur les nazis, mais je ne tire pas sur des Français ! " La Marseillaise salue ce geste courageux.

Grâce à l'autorité et au calme de Lucien Sampaix et d'autres camarades responsables, cette journée a été une grande manifestation d'union et de fermeté politique. L'attitude énergique et calme de nos camarades a fait une forte impression sur les gardes mobiles et les soldats. Ces derniers, qui entourent les baraques dans lesquelles les internés sont reconduits, leur font des signes d'amitié. Et sur leurs paillasses, les " indésirables " trouvent du pain et du vin que les soldats avaient cachés sous les couvertures.

Mais Lucien Sampaix et une dizaine d'autres camarades sont déjà embarqués pour la prison de Grenoble. Par la suite, ils sont transférés à celle de Lyon, où ils restent un mois en attendant leur comparution devant le tribunal militaire. Ensuite Lucien et ses camarades sont " libérés ", c'est à dire conduits en septembre au fort Barraux, dans I'Isère, plus tard au camp d'Oraison dans les Basses Alpes. Dans ces deux camps, les " indésirables " doivent effectuer des travaux très durs (construction de digues contre la crue de la Durance).